• Aspects psychologiques de la césarienne

    Il est parfois difficile de gérer les émotions que l'on ressent après avoir donné la vie, vis-à-vis de son enfant ou de son entourage : un décalage entre devenir parent, découvrir sa progéniture, et le bonheur socialement correct que l'on attend de chaque famille à l'arrivée d'un enfant.<o:p></o:p>

    Pourquoi ces sentiments contradictoires, pourquoi une tristesse, pourquoi cet enfant mis au monde peut vous paraître étranger, pourquoi vous sentir tellement en décalage avec votre entourage, sans réussir à exprimer, ou à faire comprendre vos sentiments ? <o:p></o:p>

    En quoi une césarienne diffère-t-elle d'un accouchement normal<o:p></o:p>

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    L'imaginaire de l'accouchement <o:p></o:p>

    A partir du moment où vous vous savez enceinte, vous allez passer 9 mois à vous construire futur parent, envisager la naissance, imaginer cet enfant. <o:p></o:p>

    La naissance arrive, différente de ce que vous aviez imaginé, espéré, attendu ; différente de ce à quoi vous vous étiez préparée. Et c'est d'autant plus vrai pour une naissance par césarienne, car non seulement la réalité est toute autre, mais en plus, cette naissance n'a rien en commun avec l'imaginaire collectif et social.

    A l'idéal, vous, futurs parents, mettez 9 mois à construire l'image de votre nouvelle parentalité, de votre enfant, de votre idéal d'accouchement, en conciliant votre contexte socio-culturel, vos envies personnelles, les projections de "comment vous voulez être en tant que parent". <o:p></o:p>

    A l'idéal vous tentez de vous préparer à un accouchement.<o:p></o:p>

    Dans votre imaginaire, et dans l'imaginaire collectif (ce n'est pas forcément la même vision!), un accouchement pourra être un accouchement physiologique ou un accouchement plus médicalisé (voire la plupart du temps un peu de l'un et un peu de l'autre). Dans l'imaginaire, la représentation de l'accouchement reste souvent très liée à la sortie "par voie basse". Il faudra donc faire le lien entre "l'idée d'accouchement", et "votre césarienne". <o:p></o:p>

    Le rôle des hormones, le rôle actif de la mère <o:p></o:p>

    Que se passe-t-il dans votre corps qui pourrait vous aider à mieux vivre l'accouchement, ou pourquoi un accouchement physiologique semble mieux adapté pour "mieux vivre" l'après la naissance ? <o:p></o:p>

    Lors d'un accouchement physiologique le corps vous prépare doucement, psychologiquement, à faire face à ce qui est en train de se produire, vous intervenez en entier, les hormones, les positions, les chants/paroles, tout intervient pour préparer la naissance. Vous êtes actrice de votre accouchement, vous vous impliquez physiquement et psychiquement dans cet évènement.

    A l'extrême inverse une césarienne est antiphysiologique, hyper médicalisée. Cette chirurgie liée à la naissance ne vous laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre pour vous impliquer dans cette naissance. Le physique subit des gestes invasifs qui ne sont pas ressentis dans un présent mais ressentis/imaginés avec un décalage de temps, de réalité. <o:p></o:p>

    Vous êtes confrontée à une naissance à laquelle vous n'avez pas participé, tout au plus vous consulte-t-on pour le choix d'une date (à moins d'avoir la chance d'être entourée d'une équipe à l'écoute de vos souhaits...). <o:p></o:p>

    La fracture entre le rêve et la réalité<o:p></o:p>

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    Comment faire pour appréhender cette fracture entre l'idéal de l'accouchement et la réalité, d'autant plus si cette réalité est stigmatisée par une chirurgie ? <o:p></o:p>

    Comment faire face à la naissance (en partant du postulat que chaque grossesse, enfant, naissance est unique) si le corps humain se dérobe - car pour beaucoup d'entre vous une césarienne est vécue comme une démission d'un corps qui n'a pas assuré ses fonctions ?<o:p></o:p>

    Après la césarienne, cette trahison se paye d'autant plus que vous êtes rarement en condition physique d'assumer et assurer les soins au nouveau-né, vous vous retrouvez d'autant plus en décalage entre ce qui avait été idéalisé et ce que vous vivez, que vous rencontrez cette déception/douleur psychique, cette douleur physique, conséquente à la chirurgie. <o:p></o:p>

    La douleur physique peut trouver remède dans les apports médicamenteux. Il n'en reste pas moins que physiquement, vous êtes transformée avec cette cicatrice sur le bas du ventre ; ce signe que chaque jour vous voyez, vous touchez ou au contraire esquivez au mieux. Pour certaines, cette cicatrice est synonyme de mutilation : mutilation physique qui affecte très facilement le psychisme. <o:p></o:p>

    La douleur psychique peut avoir différentes origines, comme l'écart (pour ne pas dire le grand écart) entre votre idéal d'accouchement et la réalité de la chirurgie, ou parce que vous avez vécu ce moment seule, sans la présence du père qui est rarement admis au bloc opératoire. Cette absence peut être vécue comme un déchirement : ne pas voir le regard de votre conjoint à la découverte de votre bébé, ne pas vivre ce moment dans l'émotion à laquelle vous vous étiez préparée. Rien ne peut remplacer ces moments-là, mais beaucoup d'autres pourront être construits, et l'échange des sensations, des impressions avec votre conjoint pourra vous aider à cheminer. <o:p></o:p>

    La difficulté d'appréhender une naissance par césarienne vient aussi peut-être du fait que vous constatez la naissance de votre enfant, plus que vous ne le mettez au monde, comment construire ce lien d'attachement mère/enfant dans les meilleures conditions quand mère et enfant sont séparés pendant la période critique de l'attachement physiologique ? Au mieux mère et enfant n'êtes que séparés, et vous avez pu être "spectatrice" de la naissance de votre enfant, au pire, comment faire pour reconnaître sa progéniture quand vous avez été césarisée sous anesthésie générale ? <o:p></o:p>

    Lorsque votre bébé naît par césarienne sous anesthésie loco-régionale, vous le voyez, vous pouvez parfois le voir sortir de votre ventre, mais bien souvent, ce n'est pas le cas et vous le présente rapidement avant de le sortir du bloc, et vous ne le revoyez que 2 heures plus tard, après le passage en salle de réveil. Pour réparer cette rupture des premières heures, certaines mamans gardent leur bébé tout contre elle, sans interruption. <o:p></o:p>

    Il arrive que l'anesthésie doive être générale : la rupture est alors totale, vous ne savez même pas si ce bébé est ou non le vôtre ; seul le papa pourra raconter tout ce qu'il sait depuis le début, il fait le ainsi le lien entre vous, et votre bébé. La demande du dossier médical peut également servir de jonction entre les différentes étapes de la naissance. <o:p></o:p>

    Comment ne pas vous sentir décalée vis à vis de ce qu'on attend socialement d'une jeune maman, quand vous éprouvez des sentiments que votre famille, votre entourage ne comprend pas ?<o:p></o:p>

    Comment faire pour ne pas se sentir décalée entre être la mère de son enfant et la difficulté de se sentir mère, voire femme, parce que vous n'avez pas accouché par voie basse, "comme toutes les femmes", ce qui vous exclut du "clan des accouchées"  ?
    La trahison physique a un lourd retentissement psychique dans le rituel initiatique de la naissance (ce qui semble le cas pour tout accouchement instrumentalisé). <o:p></o:p>

    Le rituel de la naissance est très perturbé. Enceinte puis mère sans lien physiologique, sans passage, la déception de ne pas avoir cheminé mène souvent à un sentiment d'échec, de culpabilité (qui n'a pas entendu "et si j'avais dit non, si j'avais tenu quelques instants de plus, et si j'avais pu marcher..."). <o:p></o:p>

    Cette constatation de passivité (on subit une chirurgie) est parfois vécue comme l'aveu d'une faute, victime "consentante". <o:p></o:p>

    L'entourage se met lui aussi parfois de la partie en ne comprenant pas votre douleur, votre désarroi, votre angoisse, en le niant même parfois. Qui n'a pas entendu que c'était mieux une césarienne, au moins on ne souffre pas, et puis bébé a la tête bien ronde, et les hommes de rajouter que le "passage" est toujours aussi agréablement étroit ?! Ces personnes ne se rendent simplement pas compte de la portée de leurs mots ; et puis il est très difficile d'entendre, d'accepter la douleur de l'autre. Le mieux est de choisir vos interlocuteurs en fonction de l'échange que vous recherchez. <o:p></o:p>

    Il arrive que la césarienne et tous les soins associés ne sauvent pas votre enfant. Vous pleurez votre enfant. Pour autant, vous avez aussi le droit de pleurer cette voie de naissance que vous ne désiriez pas. Et même si la césarienne était jugée la mieux pour tenter de sauver le bébé, même si l'équipe a réellement fait de son mieux pour vous, il se peut que vous vous en vouliez, que vous soyez frustrée.<o:p></o:p>

    Il existe des césariennes bien vécues... pourquoi ?<o:p></o:p>

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    Tous ces questionnements toutefois ne sont pas vécus de la même façon, ni aux mêmes moments, ni avec la même intensité. Il se peut même qu'une chirurgie de césarienne soit bien vécue, ou du moins bien préparée : accompagnée, elle sera plus vécue que subie. <o:p></o:p>

    Certaines équipes médicales vous impliquent plus dans la naissance par césarienne, elles humanisent la chirurgie en vous préparant en tant que futurs parents. Vous pouvez parfois "négocier", préparer certains évènements de la césarienne. Ecouter et respecter vos souhaits de maman, respecter votre intégrité physique (accepter que vous gardiez vos lunettes au bloc opératoire par exemple), ou vous faire participer (même si votre corps ne peut réagir, le mental semble être "soulagé" par une demande de poussée au moment où l'obstétricien extrait l'enfant du ventre). Certaines équipes médicales vous seront présentées avant l'intervention, toujours dans un souci de respect et d'humanisation. <o:p></o:p>

    Evidemment l'explication, la compréhension de la raison de césariser, que ce soit en urgence ou non, est primordiale pour ne pas avoir de doute sur la légitimité de l'acte. Peut-être aurez vous besoin, pour accepter votre césarienne, de comprendre "pourquoi" ça s'est passé, "comment" vous en êtes arrivée là, pour faire la paix avec ce moment - à ce titre, demander votre dossier médical peut être une aide précieuse.<o:p></o:p>

    On pourrait penser aussi que l'incontestabilité de la césarienne peut être un facteur pour mieux la vivre, notamment lorsque la césarienne a permis de réellement sauver mère et/ou enfant, mais la réalité n'est pas si simple. Beaucoup de mères culpabilisent encore plus dans ces cas-là de ne pas se "satisfaire" de cette naissance. Oui, la césarienne a sauvé votre bébé, mais vous avez aussi le droit de souffrir de cet acte.<o:p></o:p>

    Peut-être également découvrirez-vous des liens avec votre propre passé (votre propre naissance, par exemple), qui apporteront un éclairage nouveau sur votre césarienne. <o:p></o:p>

    Cette étape de réflexion, de compréhension, peut être très douloureuse, car elle va peut-être remuer des choses profondément enfouies en vous. Mais vous en sortirez plus forte. <o:p></o:p>

    La présence du père au bloc peut aussi être d'un grand secours pour la construction de la naissance, il devient le gardien du rituel de la naissance, un peau à peau au bloc, puis en salle de réveil, jusqu'à une tétée précoce, tout pour que l'attachement ait lieu dans le calme et le respect. <o:p></o:p>

    Tous ces éléments peuvent contribuer à ce que la césarienne se passe bien, sur l'instant et durablement. <o:p></o:p>

    Se relever d'une césarienne mal vécue<o:p></o:p>

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    Malheureusement une césarienne bien vécue n'est pas aussi fréquente qu'une césarienne qui laissera, outre une cicatrice physique, des traces psychiques. Comment accepter ces doutes, ce mal être, cette distance entre ce que vous vivez et ce que vous avez espéré, imaginé, et la réalité ?<o:p></o:p>

    Des témoignages de mamans laissent penser que reconstruire un lien maternel par le biais de l'allaitement ou du maternage est possible. <o:p></o:p>

    Vous pouvez également tenter de vous approprier cette partie de vous qu'est la cicatrice en la touchant, en y trouvant un symbole positif. Certaines mamans y voient un sourire, le sourire de la vie, d'autres voient en cette marque une preuve indélébile de leur maternité. Accepter cette cicatrice, et son histoire est parfois un long chemin qui se fait au gré de multiples échanges. <o:p></o:p>

    Accepter ce que vous vivez n'est pas chose aisée et parfois aux vues des réactions d'un entourage socio-familial il est impossible de parler de ce que vous ressentez. Pourtant, accepter sa césarienne vient aussi en en parlant. En parlant à des personnes qui ne jugent pas, qui ne sont pas impliquées. Partager votre ressenti et votre vécu avec des personnes qui peuvent entendre, comprendre et accepter ce qui est dit, des personnes qui ont vécu des expériences similaires (réseaux de soutien ou associations comme Césarine) ou des professionnels (psychologue, psychothérapeute, thérapeute cognitivo-comportementaliste, etc...).<o:p></o:p>

    Mal vivre votre césarienne ne signifie pas forcément que vous serez malheureuse en permanence. Mais, vous pourrez vous surprendre à pleurer devant des récits de naissance par voie basse, devant des photos de bébés, vous vous découvrirez peut être jalouse devant votre belle-soeur ou cousine et son accouchement "idéal" a vos yeux (... mais pas forcément aux siens). Vous aurez peut-être envie de refaire très vite un autre enfant, pour enfin "accoucher".<o:p></o:p>

    Vous pouvez travailler sur la réalité de ce que vous avez vécu en écrivant ce que vous aimeriez changer (ex : j'aurais dû tenir plus longtemps sans péridurale, j'aurais dû marcher pour aider le travail plus longtemps), y associer la réalité de ce qui s'est produit (ex : j'ai pris la péridurale à 3 cm de dilatation, j'ai tout de même marché 2 heures), et replacer le contexte du moment (ex : j'ai pris la péridurale / arrêté de marcher parce qu'à ce moment-là, j'étais à jeun depuis 12 heures, je n'avais pas dormi de la nuit, et que, à ce moment-là, dans ces circonstances-là, je ne pouvais pas faire plus).
    Accepter cette réalité des faits, être indulgente avec vous-même, c'est important.
    Vous pouvez aussi positiver vos actes (par exemple, transformez "je n'ai pas été capable de marcher plus de 2 heures" en "j'ai réussi à marcher pendant 2 heures !"). <o:p></o:p>

    Comment envisager une grossesse suivante...<o:p></o:p>

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    Lorsqu'une nouvelle grossesse s'annonce, ou est envisagée, un certain nombre de questions, de pensées refoulées refont alors surface. La précédente naissance plane au-dessus de votre tête. C'est vrai pour la naissance par césarienne, mais aussi pour la naissance prématurée, ou par voie basse décevante, ou même après une voie basse heureuse.<o:p></o:p>

    Les démons d'une première, ou de plusieurs grossesses dont l'issue a été la césarienne reviennent. Certaines craignent même de vouloir un nouveau bébé rien que pour accoucher, en découle un sentiment de culpabilité en rapport avec cette nouvelle grossesse. <o:p></o:p>

    Il faut garder à l'esprit que désirer un nouvel enfant se joue avec une multitude de facteurs : vouloir être enceinte, vouloir sentir un bébé dans son ventre, vouloir accoucher, vouloir allaiter, vouloir tenir un petit être dans ses bras, etc. Quelques fois, vous pouvez penser qu'un de ces facteurs prédomine et vous sentir coupable. <o:p></o:p>

    Certaines peuvent adopter la position d'"autruche", c'est-à-dire que vous restez campée sur le fait que "je vais bien, tout va bien", vous ne souhaitez pas entendre parler de l'issue de la grossesse, et encore moins de césarienne. Ca se comprend bien, et ça peut porter ses fruits. C'est une tactique de jeu particulière. <o:p></o:p>

    Pour un certain nombre d'entre vous, l'idée d'un prochain accouchement n'arrive que lorsque vous êtes bel et bien enceinte, et pour d'autres, la "prise de conscience" se fait bien avant même le projet concret de grossesse. Il n'y a pas de règle à respecter, chacune fait selon son histoire et ses besoins. <o:p></o:p>

    Et les papas...<o:p></o:p>


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    Ne les oublions pas... <o:p></o:p>

    Bien souvent lors d'une naissance, c'est vers la mère et le bébé que se portent toutes les attentions. Ils ont cependant également vécu leur lot d'émotions lors de ce grand événement... <o:p></o:p>

    Pour les pères, la naissance par césarienne de leur enfant peut également être un événement plus ou moins difficile à vivre. Peur pour la santé de leur bébé et/ou de leur conjointe, sentiment d'impuissance et de mise à l'écart (spécialement lorsqu'ils ne sont pas autorisés au bloc opératoire), frustration de ne pas avoir été là pour les premiers instants de leur enfant, culpabilité, craintes pour l'avenir... Pour certains, après le soulagement d'avoir un bébé et une femme en bonne santé, la joie d'être papa fait vite oublier ces moments difficiles. Pour d'autres, cela reste une blessure de n'avoir pas pu accueillir leur enfant dans les conditions qu'ils espéraient. <o:p></o:p>

    La mère étant limitée dans sa mobilité les premiers jours, les papas sont souvent plus requis pour s'occuper de leur enfant que lors d'une naissance par voie basse où la maman est plus vite sur pied. Ils peuvent alors en profiter pour établir un lien plus précoce avec leur nouveau-né, là où la maman est parfois plus "exclusive" lors d'une voie basse. <o:p></o:p>

    Certains pères peinent à comprendre le mal-être de leur femme, alors que "tout va bien maintenant". Ce n'est pas forcément évident pour eux, en tant qu'homme, de se mettre dans la peau d'une mère et de comprendre à quel point la naissance peut être un moment important dans la vie d'une femme. Ils peuvent être déstabilisés par cette souffrance qui leur semble démesurée. Là encore, le dialogue est important et permet de cheminer l'un vers l'autre.<o:p></o:p>

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