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Du premier areu au premier mot
Parler, cela paraît tellement naturel ! Et pourtant... nos tout-petits déploient des trésors d'ingéniosité pour y arriver. famili vous explique comment ils s'y prennent, même si l'apprentissage du langage garde sa part de mystère.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Il perçoit les syllabes avant la naissance<o:p></o:p>
Mais comment font-ils, nos tout-petits, pour gazouiller, babiller, puis prononcer leurs premiers mots, le tout en moins de trois ans ? Se contentent-ils de répéter ce que nous leur disons ? Ce n'est évidemment pas si simple ! En fait, l'apprentissage de la langue maternelle passe par des étapes bien précises, au cours desquelles le jeune enfant, aidé par des prédispositions naturelles, va déchiffrer les sons, les syllabes, la mélodie des phrases... jusqu'à pouvoir lui-même les reproduire. L'appareil auditif de votre bébé fonctionne dès la vingtième semaine de grossesse, même s'il aura l'occasion de se perfectionner par la suite. La question qui passionne les chercheurs est donc de savoir ce qu'il entend. L'environnement sonore in utero est très riche. Des enregistrements réalisés grâce à des hydrophones placés dans la cavité utérine montrent que le foetus perçoit des bruits de fond maternels, notamment intestinaux et cardiaques. Ce qui ne l'empêche pas d'entendre les voix extérieures, surtout celles des femmes. Mais si l'on enregistre plusieurs voix féminines, c'est celle de la maman qui est la plus perceptible, car les tissus et les eaux conduisent mieux le son vers l'appareil auditif. Ce n'est pas tout : le foetus perçoit également les caractéristiques musicales (le rythme et l'intonation) des voix. <o:p></o:p>
Une expérience a été menée. Grâce à un haut-parleur placé au-dessus de l'abdomen de futures mamans, on a fait entendre à des foetus de 36 à 40 semaines les syllabes « babi », répétées plusieurs fois. Au tout début de l'expérience, le rythme cardiaque des foetus ralentit. C'est la preuve qu'ils entendent les sons présentés. Puis ils s'y habituent et leur coeur bat comme avant. Tout d'un coup, la série de syllabes change et devient «biba»: de nouveau, le rythme cardiaque se modifie. Autrement dit, la différence entre les deux séries est perçue, alors qu'elles sont prononcées sur le même ton !<o:p></o:p>
A peine né, il se souvient de ce qu'il a entendu in utero<o:p></o:p>
Votre bébé a une très bonne oreille alors qu'il est encore dans votre ventre. Dès sa naissance, il se souvient de ce qu'il a entendu avant de venir au monde. Comme votre voix, des comptines et même des morceaux de musique ! Mais comment les chercheurs le savent-ils ? Ils utilisent une méthode relativement simple : la succion non nutritive. Des nourrissons, confortablement installés, sucent une tétine ne délivrant pas de nourriture, mais reliée à un ordinateur. Lorsqu'on présente des sons nouveaux aux bébés, ils tètent avec plus d'ardeur. C'est donc bien qu'ils les distinguent et qu'ils les jugent différents des précédents! <o:p></o:p>
Les nourrissons, toujours installés dans les laboratoires des spécialistes, peuvent également déclencher les séquences sonores qu'ils ont déjà entendues et qu'ils souhaitent réécouter. Il leur suffit pour cela de téter et le son « demandé » est émis : c'est ainsi que les scientifiques ont prouvé que les bébés de 2 à 4 jours préféraient la voix de leur maman à celle d'une autre femme. Et les voix masculines, y compris celle de leur papa. Autre observation : ils sont plus sensibles aux comptines et à la musique qu'ils ont entendues avant de naître...
Ils apprécient qu'on leur parle dans leur langue maternelle ! Si l'on fait écouter à des bébés de mères francophones des phrases françaises puis russes, énoncées par une même personne bilingue - pour que le timbre de la voix reste le même -, ils choisissent le français à l'unanimité... Et si l'on se contente de leur faire entendre la « musicalité » de leur langue maternelle, puis celle du parler russe, c'est encore la première qu'ils préfèrent.
Enfin, les bébés de 3 jours repèrent le changement de voyelles, mais pas de consonnes : s'ils entendent « bi-si-li-mi », puis « di », ils restent imperturbables. En revanche, si après « bi-si-li-mi » arrive « da », ils réagissent et nous font savoir qu'ils ont saisi la nouveauté. C'est grâce aux voyelles et à la mélodie de la parole - appelée prosodie -, propres au français, que les bébés mettent en place les premiers repères qui leur permettront d'apprendre leur langue.<o:p></o:p>De 1 à 6 mois, le temps des areu<o:p></o:p>
A cet âge-là, notre apprenti en sait plus que vous, puisqu'il perçoit ce que vous ne détectez plus : les sons qui n'existent pas dans sa langue ! Des études menées sur des bébés japonais, toujours selon le principe de la succion non nutritive, montrent qu'ils ressentent la différence entre le « r » et le « l » : or un adulte japonais ne fait plus cette distinction car ces phomènes n'existent pas dans sa langue ! C'est aussi à cet âge que le tout-petit repère les syllabes : à 2 mois, il fait la différence entre « tap » et « pat ». En revanche, les sons « pcht » et « tchp » le laissent indifférent. Il faut dire qu'ils ne sont utilisés dans aucun pays : comme si notre bout de chou était prêt à se spécialiser dans n'importe quelle langue mais pas dans n'importe quel charabia ! <o:p></o:p>
Ainsi, l'apprentissage du langage est en partie inné, chaque enfant ayant en lui des prédispositions naturelles pour combiner des mots et en faire des phrases. C'est ce que le célèbre linguiste américain Noam Chomsky appelle « la grammaire universelle ». A 5 mois, le tout-petit contrôle de mieux en mieux son appareil phonatoire : la production de sons - les très célèbres « areu » - est parfaitement volontaire. Il est tout simplement en train de tester ses capacités.<o:p></o:p>
De 6 à 12 mois, le temps du babil<o:p></o:p>
« Aya », « baba », « tabada », répète votre bébé. Ca y est ! Il parle... ou plutôt, il babille. Essaie-t-il d'imiter les sons que vous produisez vous-mêmes ? Les scientifiques ne le savent pas vraiment. Le babillage prouve que le mécanisme de perception du nourrisson a bien fonctionné. Il a repéré les unités très pertinentes que sont les syllabes, en français en tout cas. Ensuite, son appareil articulatoire s'est ajusté de façon à pouvoir les reproduire. Mais nous ne savons pas comment, au cours du développement de l'enfant, se fait la transition entre l'audition et la production de sons. <o:p></o:p>
En s'adonnant à son petit babil, quelquefois dès 6 mois, parfois à plus de 10 mois, notre tout-petit est en train de conformer son appareil articulatoire à sa langue maternelle. Si bien que vers 8 mois il perd sa faculté de sentir des contrastes inexistants en français. Même chose pour les petits japonais, qui ne font plus la distinction entre le « r » et le « l ». Conclusion : un bébé français babille en français et un petit Japonais babille en japonais.<o:p></o:p>
De 10 à 18 mois, ils chantent ou ils parlent<o:p></o:p>
Les chercheurs ont mis à jour deux façons de babiller. Il y a les chanteurs et les parleurs. Les premiers font des sortes de phrases, mais aucune syllabe n'est clairement perceptible : ils s'expriment sur un mode interrogatif ou affirmatif, en respectant bien la musique de la langue française. Les seconds tentent de prononcer des mots, même avec quelques ratés. Chacun sa stratégie, il n'y a pas de norme en la matière... L'essentiel, c'est que vous lui « répondiez », que vous lui parliez avec vos mots à vous. De cette façon, il « baigne » dans sa langue et avance à pas de géant... <o:p></o:p>
A 13 mois, le tout-petit allonge la syllabe finale de ses mots... Ses « ba-ba » deviennent plutôt des « baaaaa-baaaa ». Avant 6 mois, il percevait la musique de sa langue. Désormais, il est capable de la reproduire. Aux environs de 16 mois, le voici qui produit une cinquantaine de mots, alors qu'il en comprend cent cinquante... Il reconnaît aussi le nom d'objets hors de leur contexte : si vous parlez de ses chaussures, alors qu'elles sont hors de vue, il se fait un plaisir d'aller les chercher... Au fur et à mesure qu'il apprend à prononcer des mots, votre tout-petit continue de se distinguer : il est peut-être de ceux qui privilégient les mots tels que : « ça, voilà, encore, là ». A moins qu'il ne parle en chantant. Nous ne savons pas pourquoi les enfants sont différents. Est-ce une question de maturation du cerveau ou d'expérience personnelle ? Nul ne peut répondre pour l'instant.<o:p></o:p>
A partir de 18 mois, la poussée lexicale<o:p></o:p>
Certains tout-petits associent deux ou trois mots, comme « bébé pas là », « voiture papa »... D'autres attendront plus tard. Vers 2 ans et demi en tout cas, le tout-petit peut faire des combinaisons à trois ou cinq mots. Il est maladroit, le style reste télégraphique. Il crie encore un peu ou bien il bégaie parce qu'il organise son stock de vocabulaire, mais il a envie d'apprendre plein de nouveaux mots. C'est pour cela qu'il pose beaucoup de questions : il ne faut pas hésiter à lui répondre. <o:p></o:p>
Vers 3 ans, notre petit savant entre dans le monde étrange de la grammaire et des conjugaisons sans en avoir appris les règles. Et là, les chercheurs s'interrogent : l'enfant doit-il disposer d'un lexique riche pour passer à la grammaire ? La façon d'apprendre celle-ci est-elle innée, dépendante de la maturation du cerveau ? La parole est gérée, en quelque sorte, par l'hémisphère gauche du cerveau. Il y a donc une part innée naturelle. Le tout-petit ne se contente pas d'imiter son entourage : il est lui-même créatif, il s'approprie sa langue et fait des jeux mots. Toute la question dans les années à venir, sera de mesurer la part des prédispositions naturelles et celle de l'influence de l'environnement.<o:p></o:p>
Les troubles bénins du langage<o:p></o:p>
Il zozote...
La langue du tout-petit est très en avant par rapport à celle de l'adulte. Elle pousse donc les dents également en avant. Ce phénomène est accentué lorsqu'il suce son pouce. Résultat : il parle avec la langue entre les dents. Les orthophonistes commencent une rééducation lorsque l'enfant arrête de sucer son pouce et lorsque ses dents définitives ont poussé, vers 6 ou 7 ans. <o:p></o:p>Il chuinte...
Le tout-petit ne parvient pas à prononcer les sons « ch » ou « j ». La rééducation, à partir de 5 ans, demande une douzaine de séances car il faut apprendre à notre petit siffleur à repositionner sa langue.
Il n'est pas très en avance...
Si à 3 ans, un enfant ne fait pas de phrases, utilise peu de vocabulaire et présente même un léger trouble de compréhension, une visite chez le pédiatre ou le généraliste s'impose. Il peut prescrire un bilan de langage réalisé par un orthophoniste. S'il s'agit d'un simple retard, quelques conseils éducatifs suffisent : ne pas parler trop vite, ne pas négliger les mots tendres mais sans recourir au langage bébé que vous utilisez peut-être encore ; ne pas le faire répéter des mots écorchés (« crain » au lieu de « train »), mais reprendre sa phrase en l'énonçant correctement ; lui raconter des histoires, bon support d'apprentissage ; lui donner de nouveaux mots, même s'il ne les dit pas tout de suite...
La dyslexie, un cas particulier
C'est un trouble d'acquisition de la lecture. L'enfant confond différents sons (p et b, f et v) ou des lettres proches visuellement (m et n). La dyslexie se dépiste au CP, en milieu d'année seulement car avant il est normal que l'enfant fasse des fautes puisqu'il est en train d'apprendre à lire ! Des séances de rééducation chez l'orthophoniste sont prescrites par le pédiatre ou le généraliste. Elles sont remboursées à 60 % et peuvent durer plusieurs mois.<o:p></o:p>Examens et tests<o:p></o:p>
Le bilan de langage
Votre pédiatre ou votre généraliste vous le conseillera, si votre tout-petit de 3 ans connaît très peu de mots, si vous avez du mal à le comprendre ou bien s'il ne fait pas de phrases. Grâce à cet examen, basé sur des jeux, l'orthophoniste vérifie que votre enfant articule correctement, distingue les sons, dispose d'un stock de vocabulaire adéquat, comprend et décrit des situations quotidiennes. En cas de retard, il vous donnera de simples conseils éducatifs ou entamera des séances de rééducation. <o:p></o:p>L'audiogramme
Absolument indolore, il mesure l'audition de votre tout-petit. L'oto-rhino utilise des tests très différents, qui ressemblent là encore à des jeux, en fonction de l'âge de son jeune patient : il demandera aux plus grands, par exemple, de montrer une image associée à un bruit, tandis qu'un bébé se contentera de tourner la tête s'il entend un son particulier. Si votre enfant vous fait répéter souvent, s'il monte le son de la télévision ou si son institutrice vous signale qu'il participe moins que les autres, un audiogramme s'avère nécessaire. Votre pédiatre, lors des visites régulières des premières années, peut aussi dépister des problèmes d'audition et vous conseiller cet examen.<o:p></o:p>